Les faits du débat sur la forêt  : qui est intéressé ?

Forest in winter

Émotion, drame et pessimisme : de croustillants petits détails dans le débat sur la forêt si vous cherchez à couper les virages. Il y aurait une chose responsable à faire : examiner les faits et remettre en question les attitudes profondément ancrées. En foresterie, les choses ne sont pas aussi mauvaises que les médias et les réseaux sociaux veulent bien le laisser croire. Les choses s’améliorent lentement, explique Annika Kangas, professeure et chercheuse à l’Institut des ressources naturelles de Finlande.

“La perception des forêts et de la foresterie par les populations est basée presque exclusivement sur le battage médiatique négatif. Depuis les années 1980, le débat sur la biodiversité a donné l’impression à tous les Finlandais ou presque que la situation n’est pas bonne et qu’elle ne cesse de s’aggraver. Personne ne s’est donné la peine de voir ce que disent les statistiques. De nombreux indicateurs évoluent dans une direction plus favorables depuis des décennies maintenant,” déclare la professeure et chercheuse.

100 ans de statistiques

Les ressources forestières de la Finlande sont répertoriées depuis 1921. Le 13e inventaire national est actuellement en cours. Les données statistiques conservées par l'Institut des ressources naturelles de Finlande constituent la base de la planification de la foresterie durable, de la planification et du suivi des politiques forestières, environnementales, énergétiques et climatiques, ainsi que de la planification des investissements de la part des acteurs de la foresterie et de l’industrie forestière.

L’inventaire forestier national (INF) couvre chaque année environ 12 000 parcelles tests, dont 80 % sont permanentes. Plus de 100 indicateurs différents sont mesurés dans les parcelles de tests situées dans diverses parties de la Finlande ; ces indicateurs permettent de produire des données sur les ressources forestières. Chaque année, au moins 20 équipes de recherche comptant chacune environ 20 personnes sont sur le terrain pendant 4 à 5 mois pour prendre des mesures. Les résultats et un volume très important de données des décennies précédentes sont en accès libre en ligne.

Annika Kangas est professeure et chercheuse à l’institut des ressources naturelles de Finlande, situé Joensuu, depuis près de 10 ans. Avant cela, elle a été professeure pendant 13 ans à l’université d’Helsinki. Ses travaux ont porté sur un large éventail de questions forestières : évaluation des forêts, inventaire forestier, ressources forestières, valeur des données, planification forestière, télédétection, méthodes statistiques et développement de logiciels. Le rôle des professeurs de l’Institut des ressources naturelles de Finlande consiste à contribuer au débat sociétal. C’est également ce qu’a fait Annika Kangas, tout en se familiarisant avec les réseaux sociaux, souvent impitoyables.

Annika Kangas

Un seuil d’informations insurmontable

En juin dernier, un groupe de représentants des médias finlandais s’est réuni pour une tournée en forêt, afin de savoir ce qu’il se passe dans le secteur forestier. Au cours d’une présentation de la professeure et chercheuse Annika Kangas aux journalistes, présentation qu’elle avait effectuée précédemment lors d’un séminaire de la Société statistique finlandaise, elle a concrétisé ses inquiétudes quant aux mauvaises voies que le débat sur la forêt et la formation de l’opinion peuvent prendre si les faits ne sont pas pris en compte.

Lorsque l’émotion découlant de la négativité est galopante, les conséquences peuvent être très pénibles. Le puits de carbone d’un peuplement d’arbres est considéré comme un miroir de l’exploitation forestière, mais même une croissance rapide du puits de carbone ne dépasse pas le seuil des informations. Mme Kangas nous invite à examiner les forêts à la lumière des statistiques des IFN.

“Les forêts anciennes ont disparu du sud de la Finlande dans les années 1700-1800. Depuis, dans l’historique des mesures des forêts anciennes, leur part a progressivement augmenté. Il n’y a pas eu de déclin des grands arbres ; au contraire, les données de mesure indiquent que leur nombre a quadruplé en Finlande au cours des 100 dernières années. Au cours des 50 dernières années, cette population d’arbres a doublé en Finlande.”

Idées reçues et faits

Il y a quelques années, la société forestière UPM a commandé une enquête publique approfondie. L’objectif visait à découvrir ce que les Finlandais savent des forêts, de leur utilisation, des méthodes de gestion ou, par exemple, des impacts économiques. Près de la moitié des personnes interrogées pensaient que l’État possédait la majeure partie des forêts finlandaises. En réalité, 60 % des forêts finlandaises appartiennent à des particuliers.

Plus de la moitié des personnes interrogées estimaient que la foresterie génère des recettes fiscales allant jusqu’à 400 millions d’euros par an. Le chiffre réel est d’environ quatre milliards.

Cinq pour cent des personnes interrogées pensaient que l’exploitation forestière avait quintuplé au cours des cinq années précédentes. De même, 40 % des personnes interrogées pensaient que l’exploitation forestière avait doublé au cours de la même période de cinq ans.

En réalité, entre 2016 et l’année record de 2021, l’augmentation du volume d’exploitation forestière a atteint huit pour cent, selon les statistiques officielles. Au cours des 100 dernières années, l’exploitation forestière a augmenté de 142 %.

“Nombreux sont ceux qui imaginent que l’exploitation forestière a augmenté davantage au cours des cinq dernières années qu’elle ne l’a fait au cours des 100 dernières années,” remarque Mme Kangas.

Un besoin de communication

La communication est un domaine difficile et, dans le monde actuel d’informations en continu, vous ne pouvez ralentir, même un petit instant. Annika Kangas admet être parfois frustrée par les tentatives de corriger les informations erronées et d’envoyer des demandes de correction aux journalistes. Selon la professeure, le plus efficace serait que le débat soit mené ouvertement, avec les faits, et sans se perdre dans les détails.

De l’avis de Mme Kangas, les informations sur les ressources forestières devraient être communiquées plus souvent et prendre en compte le public, et non seulement les professionnels.


TEXTE : Sirkka-Liisa Aaltonen/Viestintä Ässä Oy, IMAGES : John Deere et Jarno Artika